le 27 mars 2015
Le 1er mai, la rive sud de Dirinon
bouillonnera de ferveur. Des passionnés reconstitueront le débarquement de
santez Peronel (sainte Pétronille), en barque irlandaise, 1.500 ans après ce
haut fait. Au-delà de l'aspect religieux, c'est un pan culturel breton qui
rejaillira dans un flot de festivités populaires.
La gazette de l'époque ne mentionne pas une
ligne sur cet exploit maritime. En l'an de grâce 515, y avait-il seulement des
cormorans vaguement curieux pour assister au débarquement de sant Jaoua et
santez Peronel en baie de Kervern, au sud de Dirinon ? Partis du Pays de Galles
ou d'Écosse, dans le sillage de saint Guénolé arrivé quelques années plus tôt à
Landévennec, le duo auréolé venait de traverser la Manche à bord d'un bateau à
coque couverte de peaux de bête soudées à la graisse de mouton. Les fameux
Currach irlandais. Pour la notoriété, sant Jaoua et santez Peronel se sont
largement rattrapés au fil des ans. Le premier en fondant l'abbaye de Daoulas,
à trois encablures du lieu de débarquement, la seconde en connaissant une
ascension fulgurante au classement des saintes préférées du peuple et de la
noblesse. Santez Peronel, rebaptisée sainte Pétronille au Royaume de France,
aurait même été au deuxième rang des saintes préférées de saint Louis, derrière
l'indétrônable sainte Marie. Les chapelles ou fontaines portant le nom de
Pétronille ont fleuri.
Histoire
d'un manoir
Tout allait bien pour
elle jusqu'à ce qu'une bande de pirates sans-culottes se mit en tête de
raccourcir celles des nobliaux et de couler par le fond toute forme de dévotion
à partir de 1789. Sentant le vent du boulet, les Kervern-Tréana mirent les
voiles vers des pays mieux acclimatés à l'aristocratie. Plus aucun membre de la
famille ne revint au manoir, aujourd'hui pierre angulaire de la résurrection de
santez Peronel. La bâtisse où vécut un temps la sainte, selon la légende, a
ensuite été occupée par les sénéchaux, les seigneurs de Kervern-Tréanna et des
fermiers, jusqu'en 1953. Tombé en décrépitude, le manoir a dû son salut à un
ingénieur belge. En 1970, cet inventeur d'un procédé de recyclage du béton en
bordures - il fit fortune en vendant sa production, notamment, à la base de
l'île-Longue - entreprit de rebâtir le manoir dans son jus originel, en pierre
jaune de Logonna. Mais, englouti par un scandale en 1976, le Belge dut se
résoudre à vendre le manoir. Par bonheur, il passa en d'autres très bonnes
mains. Celles d'un Allemand, directeur d'achat de l'enseigne C & A, qui eut
le flair de s'intéresser aux tissus fabriqués en extrême-orient après la
Seconde Guerre mondiale. Hélas, au moment de prendre attache avec son havre en
fond de rade, Manfred Playel est tombé malade. Se croyant condamné, il s'en
remit aux soins d'internes du CHU de Brest, partisans d'une toute nouvelle
technique de traitement du cancer : la chimiothérapie. Le miracle eut lieu.
Sauvé, Manfred Playel jura qu'il consacrerait le reste de sa vie à la réfection
de la chapelle Sainte-Pétronille, sur son domaine de Kervern-Tréana. Ce qu'il
fit, avant de céder à son tour le manoir.
Statues,
bannière, procession...
Christian Cornec a eu le coup de coeur. « Je
suis tombé sur l'annonce de vente en 2006 ». L'ancien médecin et maire de
Loperhet rassura le vendeur sur son intention de poursuivre l'oeuvre de
réhabilitation de santez Peronel. Il y opère avec une ferveur toute
respectueuse, en regarnissant la chapelle de son mobilier religieux. « J'ai
retrouvé une photo des trois statues qui se trouvaient dans le vieil oratoire,
sur le domaine. Je les ai fait refaire par une artiste morlaisienne ». L'une
des oeuvres représente naturellement santez Peronel. Christian Cornec a
également mis des brodeuses du coin à contribution pour refaire la bannière de
la sainte. Des apprentis du CFA de Kerliver (Hanvec) s'attellent à édifier une
chapelle éphémère, devant le manoir, au bord de la rivière qui sépare Daoulas
et Dirinon. L'endroit précis où débarquèrent santez Peronel et sant Jaoua.
C'est là qu'une procession confluera le 1e r mai, après la messe célébrée par
l'abbé Costiou.
Fête profane
Le public, croyant ou profane, saisira aussi
l'occasion unique de visiter les 4,5 hectares du parc de Kervern et son jardin
à la japonaise : « Les azalées fleurissent seulement du 1e r au 4 mai »,
prévient le propriétaire. Antipode de son équivalent oriental, un jardin
celtique spécialement constitué pour l'occasion sera inauguré à 14 h, avec
enchaînement du bagad et du cercle de danseurs du pays de Landerneau mais aussi
du jazz, des jeux celtiques, une grande fête médiévale avec troupes costumées
et une adaptation de Robin des bois, en toute fin d'après-midi, par 20 adultes
handicapés, dans la cour du Manoir (tout ceci gratuitement). L'apothéose de la
journée surviendra avec l'avancée de la marée, vers 15 h 15. Dans un currach,
affrété auprès d'une association du Tinduff (Plougastel-Daoulas), santez
Peronel, campée par une jeune fille du cru, débarquera à l'endroit précis où
l'authentique Pétronille mit pied à terre, il y a 1.500 ans. Peut-être
convaincue par la beauté naturelle du fond de rade qu'elle touchait presque au
paradis. Le grand public pourra en être témoin. En masse, cette fois. Imprimer
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© Le Télégramme - Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/bretagne/dirinon-le-retour-de-sainte-petronille-27-03-2015-10572830.php Yann LE GALL