En ce temps là


En 1954 j'avais 5 ans.  Né à Kerloziou, le village le plus proche, c'est tout naturellement que mon premier copain fut le voisin de Kervern an Aod : Jean-Claude KEROMNES. Rendu en moins de 5 minutes à Kervern par les champs, je retrouvais souvent Jean-Claude devant l'oratoire de Sainte Pétronille de l'époque.
C'était aussi un lieu de promenade où nous nous rendions avec nos parents le dimanche après midi.
C'est à ces moments passés là que remontent mes premiers souvenirs d'enfance.
Mais c'est Jean-Claude, "passeur de mémoire", puisque vivant à Kervern an Aod, qui peut mieux que quiconque, nous raconter son histoire avec Pétronille.

                                                                                                                   Pierre DENIEL




Je remercie infiniment mon ami d'enfance Pierre DENIEL à l'initiative de la création de ce blog que je baptiserai (sans jeu de mots) : ''Chaque  Pierre se souvient''.

Enfouie dans les strates des décennies, voire des siècles, l'Histoire de Kervern-an-Aod se révèle généreuse à qui sait se pencher sur son passé et dont j'en détiens quelques récentes feuilles, émouvants témoignages de toute ma famille aujourd'hui disparue.

Et chaque pierre de l'écurie (l'actuelle chapelle) et de l'étable (salle dite "des festivités"), toujours visibles aux mêmes emplacements que sur les photos prises par mon père Joseph, ne cesse de me le rappeler.

Kervern-an-Aod : c'est ainsi que nous appelions notre ferme lorsque j'y habitais, afin de la différencier de Kervern-ar-Maner.

Arrivée des Keromnès à Kervern :

Issu des ruines la chapelle disparue, l'oratoire Santez Peronel regarde s’installer les Keromnès vers 1893 - 1896 comme le témoigne cette photo, actuel point zéro de ma mémoire, au fil des années reconstituée :

     
          

Photo prise à Kervern vers 1897, sur la route, face à l’anse.

On y voit mon arrière-grand-père Joseph KEROMNES et toute sa famille.
On devine en arrière-plan les contours de l’anse et l’arrondi de la colline de Kerneï.

Né à Vervian-Vian près de l’Elorn, il s’était installé à Lestrégognon, pour ensuite sans quitter Dirinon, venir à Kervern où cette photo a été prise par un photographe équipé d’un laboratoire ambulant hypomobile, comme cela était la coutume à l’époque.

Joseph KEROMNES, dit « Job an Aoutrou » tenait cette appellation du fait qu’il exerçait l’activité de juge coutumier. C'est-à-dire médiateur dans le monde agricole, encore sous les effets de la transition des lois Ancien / Nouveau régime.
N’oublions pas que pour cet homme cultivé né en 1848, la Révolution de 1789 avec ses déclinaisons juridiques résonnaient encore dans nos campagnes : successions ...

Mon arrière-grand-mère Jeanne COUCHOURON, originaire de Hanvec, tient dans ses bras mon grand-père Jean-François KEROMNES né en 1893, que certains à ce jour ont connus.
À l’extrême droite, Pierre KEROMNES, père de Catherine Billard (décédée en 2011).

Cette photo « fondatrice » m’a été transmise que tardivement vers les années 1998 par Jeanne Pellé de Coat-ar-Poulin (décédée en 2006), via Catherine Billard.
(Cette photo plus largement commentée est à disposition de ceux qui m’en feraient la demande : généalogie …).
Décédé eu 1918, Job-an-Autrou repose au cimetière de Daoulas dans cette singulière tombe à bé connue de certains d’entre vous et toute proche de celle de ses 2 petits fils :



Oratoire Santez Peronel :

Aussi loin que je puisse réveiller ma mémoire, c’est ainsi que j’ai connu l’oratoire :




Photo ci-dessus, probablement prise par mon père Joseph.

Orienté plein Sud,  Santez Peronnel et les 2 autres statues regardaient Kerneï par-dessus l’anse.
On y arrivait par le chemin bordé d’aubépines noires situé au dos de l’oratoire, qui n’était autre que le haut de l’élévation de terre constituant la « digue » de l’ancien bief alimentant l’ancien moulin situé à environ 30-40 mètres (souvenirs ?) à gauche de la photo.
Derrière ces vestiges du bief (sorte de fossé peu profond) se déroulait la route empierrée menant vers Daoulas.
Rabattues à mi-hauteur, les massifs d’aubépines noires bordant ce chemin servaient de sèche-linge. Ni fil à linge, ni épingles à linge, c’est là que ma grand-mère Jeanne Pellé y étalait sa lessive. La densité des piquants maintenant tout cela en place !
Ce chemin se poursuivait sur la droite de la photo sur une vingtaine (souvenirs ?) de mètres pour aboutit à un massif de grandes aubépines noires poussant dans un dédale de grosses pierres anguleuses de couleur sombre. Kersanton taillées, on devine bien les arrêtes et angles témoignant de leur antérieure appartenance à la chapelle disparue.
Périodiquement les vaches se chargeaient de la « tonte » de l’herbe rase de ce chemin.
J’ai le vague souvenir d’entendre mes parents y évoquer le repaire de sauvagine.




Photo ci-dessus, probablement prise par mon père Joseph.        Jeanne Pellé, ma grand-mère. 
Elle porte une pellerine d’été. J’ai conservé sa broche à pellerine.
Le dimanche, quand elle allait à la messe, elle portait une magnifique pellerine à poils brillants noirs en sconse.

Le sconse est le nom commercial de la mouffette.







Sur cette photo ci-dessus, il semblerait qu’il ne reste plus que Santez Peronel.
Photo plus récente que la précédente et probablement prise par ma mère Anna.






Photo ci-dessus, probablement prise par mon père.
C’est l’une de mes arrière-grands-mères Kermarrec ou Couchouron ( ?). (Merci pour votre aide).
Photo prise sur le chemin menant des vestiges de l’ancien moulin vers l’oratoire Santez Peronel, sur l’élévation terre de l’ancien bief. Le photographe se trouvait en contre-bas côté grève. Cette contre-plongée illustre pour partie la hauteur de canalisation de cet ancien bief venant de Kervern-ar-Maner.



Ci-dessus photo « des Temps Modernes » transmise par Ch. Cornec.
Date de cette photo ? 1956 peut-être ? Il me semble avoir appris la disparition des statues de Santez Peronel après que nous ayons vendu la ferme à la Grande Briqueterie de Landerneau (Monsieur Soubriez).


Santez Peronel : un lieu où on aimait se retrouver :

Face à la mer, avec en toile de fond la colline de Kerneï, en retrait de la ferme, les nombreuses photos prises par mon père illustrent la quiétude du lieu où l’on aimait se poser. Sorte de mini agora, car à mon souvenir, l’oratoire de Santez Peronel ne faisait l’objet d’aucune dévotion. Seul le lierre faisait office d’ostentatoire décoration.

Ainsi il revient à ma mémoire, dans chaque ferme il y avait souvent un lieu proche où l’on aimait aller se détendre  principalement le dimanche après-midi :
-          à Kerloziou : c’était la pointe de Beg-an-Héré depuis laquelle on voyait Daoulas, là-bas au fond de l’embouchure de la Mignone. C’était les dimanches après-midi avec Pierre et ses parents. Egalement la grève « des nobles » …
-          à Landrévézen : c’était la pointe de Beg-ar-Men-Du et ses abords escarpés. On y allait depuis la grève de Landrévézen, pas encore envahie par les herbes aquatiques, où à travers champs.
-          Mézasten – Landrévézen : le jeu de quilles, mais c’était autre chose et j’y reviendrai ultérieurement …


C’était le temps de la TSF naissante avec le poste installé dans la cuisine. Depuis Radio Quimerc’h, on écoutait « Jakez Crohen ».



Ci-dessus mon père et un ami. 


Ci-dessus ma mère Anna : 1946 environ.



Le Moulin (les vestiges) :


Origine photo : Ch. Cornec. Date de la photo ?

Ci-dessus les vestiges du moulin tel que le l’ai connu. Le meunier s’y était pendu, disait-on !
Y confluaient les ruisseaux venant de Toulcuz en irrigant nos prairies situées entre la route menant à Toulcuz et Maner-Kervern – Kergavarec (friches actuelles) et ceux venant du bassin versant de Stang-Meur. Ceci via le bief précédemment cité et tous détruits lors de la construction de la route en 1962 ( ?).

La ruine du moulin offrait une plateforme sur laquelle nos entreposions le tas de fagots de bois destinés à la « poheureuz » dans le ty-coz (mélange PdT, orge et son pour les cochons), ainsi qu’au feu de cuisine sur l’âtre dans la grande cheminée. Un ou deux fagots pour la consommation courante étaient stockés à l’avance dans le « kenedec » dans lequel j’aimais me cacher. Sorte de grand caisson fermé, ouvert côté cheminée supportant buffet et vaisselier.


Dans le prolongement des ruines de l’ancienne chapelle, cet endroit offrait refuge pour petite sauvagine : belettes, fouines … que mon grand-père tentait périodiquement de déloger afin de limiter les dégâts occasionnés dans le poulailler.


Santez Peronel et St Jean Baptiste vécurent-ils ensemble à Kervern ?

           Ils y ont très certainement longtemps vécus sous le même toit.
         Imposture ? Evidemment non, mais pour leurs représentations statufiées, la réponse est oui !

                Explications : lors de la vente de Kervern par mon grand-père JFK (aux illustres initiales -il faut lire (J)ean (F)rançois (K)eromnès-) à la Grande Briqueterie de Landerneau, ma famille a fait don à l’abbatiale de Daoulas de la statue de St Jean Baptiste qui trône à présent dans les fonds baptismaux :





                Cette importante statue de granite type « Kersaflorc’h » était incluse dans le mur Sud de l’habitation, à droite de la porte gothique, en sortant de la maison. Son regard bienveillant a accompagné toute mon enfance et j’ai toujours le souvenir de déposer mes menus jouets dans le creux formé par la jonction de son bras et de l’agneau. Je me rappelle vaguement de son enlèvement pour transport à l’église de Daoulas en charrette à roues pneumatiques, particulièrement du matelas de paille embarqué pour assurer le transport dans les meilleures conditions de cette lourde masse de pierre.
                Sa provenance de la chapelle disparue semble être une évidence. Colocataire avec Santez Péronel !
                En tous cas ce saint ne fût qu’un bien piètre protecteur quand on sait tous les drames  qui se sont acharnés sur la famille qui le logeait. 

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